BIG & RICH

 

 

 

 

John Rich regarde Big Kenny. Big Kenny tourne le regard vers John. Cela s'est passé il y a quelques années, bien avant cette étrange et merveilleuse odyssée musicale.

" -Tu sais ce que tu es Big Kenny ? ", demande John.
" -Quoi ? ", répond Big Kenny
" -T'es une planète. "
" -Bon, t'es une planète aussi. "
John approuve. Peut-être est-ce le café, ou le boulot au Crown Royal, mais c'est parfaitement clair pour lui.
" -Tu sais ce qui arrive quand deux planètes entrent en collision ? ", demande John
" -Quoi ? "
" -Tu obtiens un tout nouvel univers. "

Et voici, mesdames et messieurs, frères et sœurs, ce nouvel univers : Big & Rich, " Horse of a Different Color ". Deux gars, treize chansons. Et ça arrive très rarement dans le milieu musical : quelque chose de radicalement nouveau sous le soleil. " De la country music sans préjudice", comme ils l'appellent.
L'univers de Big & Rich est un énorme banquet mouvant, habité par deux acteurs aux caractères indélébiles. Un ancien menuisier de 1.92 mètre avec un éventail de chansons allant de la country, au rock psychédélique, à quelque chose appelé " Disco Ball ". Et un deuxième plus petit, plus rusé et plus jeune, un texan avec une voix angélique et une lueur de génie dans les yeux.
Et tout autour d'eux, un groupe d'acolytes remarquables. Un groupe de Cow-boys qui parlent trois langues. Il y a Limo Larry, un drogué du sans domicile fixe, et maintenant une légende locale qui utilise sa limousine chaque soir pour transporter les strip-teaseuses en dehors de leur service et les musiciens ivres tout autour de Nashville. Il y a Tim l'électricien, un dur à cuire avec une grande moustache et un perroquet rouge qui s'appelle Santana et qui s'accroche à son épaule pendant que Tim pratique le sport qu'il a inventé, le championnat de la course de chaises (apparemment plus dur qu'il n'y paraît). Il y a des compositeurs, des millionnaires, des punks rockers et des musiciens bluegrass et des jeunes filles tout juste sorties d'écoles catholiques. Il y a la reine de la country music, Martina McBride, une fan et une amie, et toute une troupe d'inconnus qui deviendront sûrement connus un jour.

Le tableau est représenté dans les chansons de l'album " Horse of a Different Color "- dans ce vœu de fraternité présent dans " Wild West Show ", dans la déchirante " Holy Water ", et dans la complainte " Kick My Ass " qui pose la question qu'on s'est tous posé un jour ou l'autre : " pourquoi est-ce que tout le monde veut me donner un coup de pied dans le derrière ? " Big & Rich organise une fête, et il est important pour eux que l'on comprenne que tout le monde est invité. Ils peuvent être délirants, imprévisibles et hilarants, mais il y a une logique dans leur folie : ces gars ne sont pas toujours sérieux, mais vous vous trompez si vous pensez qu'ils plaisantent toujours.
"-La musique ne doit pas avoir de limites, dit Big Kenny (et oui, c'est bien son nom, Big son prénom et Kenny son nom). Nous empoignons les gens avec humour et bonheur, mais nous voulons aussi ressentir d'eux chaque émotion. Et tu peux faire tout ce que tu veux avec une chanson. Tu peux faire rire, mais tu peux aussi faire crier. Et si c'est tout ensemble, ils se sentent mieux, ils ressentent de l'espoir, de l'amour, ils se sentent lumineux… "
"- Et parfois, ajoute John, ça claque comme un coup de tonnerre au dessus de leur tête. C'est ce que nous aimons faire de temps en temps. C'est bien de secouer les choses. "

" Je ne veux pas la fermer
Ca m'est égal si je me détache de la foule
Je veux juste dire tout haut ce que je pense
Je sais qu'il y a plusieurs millions de personnes comme moi
Qui essayent simplement d'être libre. "

" Rollin'(The Ballad of Big & Rich)"

Quand John Rich rencontre Big Kenny en 1998, tous les deux ont déjà de l'expérience dans le milieu de la musique. John jouait dans un groupe, il avait des hits, il a joué en solo et a obtenu un contrat d'enregistrement. Big Kenny, qui n'a pas été un musicien à plein temps avant ses trente ans, a signé aussi un contrat d'enregistrement mais l'album qui a suivi n'a pas abouti, et il a dirigé une boîte qui s'appelait luvjOi.
Un ami a essayé d'amener John à un des shows de Kenny dans un club de Nashville ; John a répondu : "Big quoi ? Je ne pense pas vouloir voir qui que ce soit qui s'appelle Big. " Mais il y va quand même- sur quoi il est frappé en pleine tête par un des lancers de chewing-gum de la scène sur le public. (" Je pensais que tous ceux qui venaient voir un de mes shows devaient repartir avec quelque chose ", explique Big Kenny sans plaisanter.) Malgré les tensions causées par cette attaque aérienne, les deux hommes se rencontrent après le show et font des tentatives d'arrangements pour écrire des chansons tous les deux.
" Comme John l'a déjà dit, on était comme deux vieux chiens se reniflant l'un l'autre, " dit Big Kenny.

Après avoir enfin trouvé un terrain d'arrangement, ils aiment la première chanson écrite ensemble, puis la seconde, " I Pray for You ". Ils ne sont pas prêts à enregistrer ensemble tout de suite, alors la chanson devient le premier single de John pour le contrat d'enregistrement en solo qu'il avait. Son album suivant est adoré par le peu d'auditeurs qui l'ont écouté- peu car le label le lâche peu de temps après.

John et Big Kenny sont devenus amis et partenaires d'écriture, et ils improvisent à chaque show de l'un ou l'autre, et montent sur scène avec des copains chanteurs comme James Otto et Jon Nicholson. Ces séances occasionnelles deviennent rapidement régulières et ont lieu tous les mardis soirs dans un petit établissement à Nashville, le Pub of Love.
" On voulait le faire le plus mauvais soir de la semaine dans le plus bizarre endroit de la ville, raconte John. Comme ça, si quelqu'un se pointait, il était là parce qu'il voulait entendre de la musique. "
Ces séances sont surnommées Muzik Mafia, et ils s'agrandissent pour impliquer plus de personnes.
" Il y avait tous les styles de musique, explique John, toute sorte de personnes venait, de Randy Scruggs à Saliva. On avait des violonistes, des jongleurs, des cracheurs de feu. "
" C'était une célébration, ajoute Big Kenny. Nous n'avons jamais fait de profit, n'avons jamais obligé quelqu'un à venir, nous laissions faire. "
Progressivement, Muzik Mafia devient l'une des scènes les plus attractives de Nashville. Pourtant, au début, John et Kenny résistent à leurs fans et amis qui essayent de les convaincre de trouver un contrat d'enregistrement pour tous les deux.
" -Quand tout le monde disait : " et, toi et Big Kenny, vous devriez vous mettre ensemble et faire un disque ", je pensais " vous êtes complètement fous ", dit John en rigolant. Les compagnies de disques ne veulent même pas de moi, vous pensez qu'ils voudront de Big Kenny, chanteur principal de luvjOi, monsieur le ministre universel de l'amour, un mec rock'n'roll psychédélique ? "
Pourtant, leur attitude change petit à petit.
" - Comme Muzik Mafia fonctionnait, raconte Big Kenny, on regardait le public s'accroître, de vingt, on passait à trois ou quatre cent personnes tapant dans leurs mains. Et ça nous a fait dire, bon, les gens aiment ce qu'on fait, pourquoi on s'inquiète de ce qui est accepté, admis ? Si je suis bon et que tu es bon, et qu'on se met ensemble, on ne peut être que meilleur et plus fou. "

Muzik Mafia a donc aidé Big & Rich à signer avec Warner Bros. Nashville. Paul Worley, le nouveau chef de la section création, connaissait déjà quelques chansons. Worley a produit l'album de Martina McBride qui inclut la chanson " She's a Butterfly " que John et Kenny avait écrit après avoir rencontré à l'hôpital pour enfants Vanderbilt une jeune fille souffrant d'une tumeur au cerveau. La sœur de Worley était aussi une habituée de Muzik Mafia, et sur sa demande, il les rencontra dans son nouveau bureau.
" -On pensait qu'on avait une rencontre avec lui pour lancer de nouvelles chansons pour Martina, explique Kenny. Après avoir joué quelques unes des chansons, il a dit : " je comprends que vous avez Muzik Mafia en tête, et l'idée de Big & Rich aussi. Jouez-moi des chansons à vous " Alors nous avons joué trois morceaux, et il s'est levé, a frappé de sa main la table et a dit : " mon dieu, les mecs, je veux produire ça ! " "
" -Nous l'avons regardé et dit : " tu veux quoi ? ", et il a dit : " je veux que Big & Rich soit le premier contrat que je négocie pour Warner Bros. "

" Horse of a Different Color ", le premier album signé par Worley, commence avec un sermon :
" frères et sœurs, déclame Big Kenny, nous sommes ici pour une seule et unique raison : partager notre amour de la musique. "
et il se termine, une heure plus tard, avec un hymne du style, " vie cette vie ", avec Martina McBride en chœur.

Musicalement, John et Kenny couvrent un large territoire similaire. Ils jouent de la country music, mais une country music qui fait écho à tout, de Everly Brothers à Limp Bizkit en passant par Queen, du Honky tonk jusqu'au rap.
" -Ce n'est pas un son country. Ca ne sonne pas comme quelque chose de déjà repris, explique Kenny. On écrit des trucs qui sont en dehors de tout ça. On écrit de la country et du rock psychédélique et tout ce qu'il y a au milieu. Les gamins qu'on connaît écoute Johnny Cash, puis Kenny Chesney, puis Ludacris ou Kid Rock. Par exemple, le petit frère de John porte un chapeau John Deere et un t-shirt Eminem. "
" -Et Nashville est en train de capturer tous ces styles musicaux ", rajoute John.
Et les preuves sont là : Music City est maintenant un endroit où Nine Inch Nails'Trent Reznor peut écrire la chanson country de l'année, et Norah Jones peut jouer aux CMA Awards. Et c'est dans ce mélange des genres que se développe Big & Rich.

" Une vie à la mesure de tes désirs ", dit John.
Pour lui et son partenaire, la vie est large, et grande, et riche musicalement, émotionnellement, physiquement. Leur musique en est la preuve, dès les premières notes, tout prend de l'ampleur, de la couleur, de la saveur. On devient grand et riche grâce à leur magie musicale.
Karine.

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