Dierks
Bentley et son groupe ont joué en 2004 plus de concerts
qu'un corps ne peut le supporter ou qu'un esprit est capable
de se souvenir, mais une nuit ressort de cette année
magique. A vingt heures tapantes, Dierks monte sur scène
au Memphis Pyramid et chante pendant trente minutes pour quelques
20 000 personnes, faisant la première partie de l'immense
star George Strait. Puis, lui et son groupe sautent dans le
bus, se font conduire à Oxford, Mississippi, et se préparent
pour un bruyant concert de fin de soirée pour 150 étudiants
sur leur campus.
Ce
que l'on peut comprendre à propos de Dierks Bentley est
que le concert à l'université n'a pas été
vécu comme une corvée mais comme un bonheur. Dierks
est très fier d'avoir fait les premières parties
des concerts de George Strait et de Kenny Chesney, mais ses
souvenirs les plus intenses viennent de ses longs concerts sur
de plus petites scènes, dans des clubs de rock avec ses
copains ou dans des fêtes de comtés où des
fans attendent pendant trois heures pour des autographes. C'est
un bel exemple de l'état d'esprit de Dierks Bentley.
Dierks
Bentley a principalement vécu dans deux endroits avant
2004: Phoenix, Arizona, où il est né et a grandi
jusqu'à l'âge de 19 ans, puis Nashville, où
pendant huit ans il a travaillé pour passer de guitariste
et chanteur amateur à un artiste de country sérieux.
Puis, pendant sa première année pour un label
important, il passe 300 jours sur la route, visitant quelques
communautées du pays des plus éloignées:
Rock Springs, Wyoming, Elma Washington, Porterfield, Wisconsin,
... Pour Dierks, il n'y a pas de meilleure façon pour
découvrir l'Amérique. Quand le chauffeur a proposé
une télé à l'avant du bus, là où
Dierks aimait s'assoir, il a reffusé. Le paysage défilant
derrière le large pare-brise est plus intéressant
que n'importe quel écran de télévision,
selon lui. Le bus s'est arrêté dans des dizaines
de villes poussiéreuses et Dierks s'est rendu compte
progressivement que, en général, il était
le plus gros évènement de la ville depuis des
mois, ce qui l'a vraiment stupéfié.
"Je
me levais chaque matin en pensant que je devais tirer le meilleur
parti de la situation, dit-il. Quand on jouait dans un
rodéo, je me renseignais sur les chevaux, les vaches,
les prix et j'allais à la rencontre les gens. On se doit
d'être un missionnaire de la country music. On touche
la vie des gens de tous les jours. On influence ces gens. Alors
j'essaie de faire le maximum chaque jour."
Les
missionnaires les plus zèlés sont souvent des
convertis, et ça décrit bien comment Dierks en
est arrivé à la country music. Il a grandi comme
n'importe quel américain dans les années 70, entouré
par les FM rock et disco. La country est autour, diffusée
à la radio de la voiture de son père et dans les
épisodes de Hee-Haw. Peut-être que les premiers
signes sont apparus sous la forme du générique
de "Sherif, fais-moi peur" interprété
par Waylon Jennings, mais ça reste très infime.
Dierks joue de la guitare électrique mais sa frustration
grandit à mesure qu'il voit ses potes jouer du Van Halen
alors que lui se perd. De toute façon, " la musique
rock n'avait juste pas assez de résonnances pour moi,
raconte Dierks. Elle était presque là tout
en n'étant pas là. Je ne pouvais tout simplement
pas chanter comme David Lee Roth. Et j'ai perdu trois années
à écouter un paquet de mauvais groupes de rock."
A
l'âge de 17 ans, un ami lui dit qu'il doit absolument
écouter un morceau. Il se trouve que c'était Hank
Williams Jr. chantant "Man To Man", une chanson qui
raconte une communication cosmique entre un fils vivant et son
père mort.
"Ce
moment a vraiment changé toutes mes perspectives, se
souvient Dierks Bentley. Tout est devenu évident.
J'ai tout simplement su que j'aimais la country music."
Il
commence alors à écrire des chansons et à
apprendre comment jouer de la guitare rythmique. Il se rend
à Nashville sans éveiller aucune crainte de la
part de sa famille. Et quand les réalités de la
Citée de la Musique commencent vraiment à le décourager,
il se rend pour la première fois au Station Inn, un des
plus légendaires bars de bluegrass, avec une fausse carte
d'identité.
"Dieu
merci j'y suis entré, dit-il. Le Bluegrass m'a
donné toutes mes bases. Je pensais: ces gens et cette
musique et ce bâtiment; c'est ici que je vais me construire."
Et
il passe tous ses mardis soirs à écouter le groupe
de la maison, les Sidemen, et à observer le chanteur
Terry Eldredge."J'observais tout ce qu'il faisait, raconte
Dierks, lui qui n'a jamais pris de cours formel de chant. Il
préfère appliquer le conseil de Terry Eldredge:
" Ecoute le chant dans ta tête, laisse le se développer
dans ton coeur, puis, laisse le sortir de ta bouche."
Le
découragement de Dierks devient une dévotion.
Il étudie la country music avec beaucoup de discipline
et d'acharnement. Un boulot au Nashville Network lui permet
d'étudier les performances historiques des années
40 aux années 80. Il remplit trois classeurs avec des
centaines de chansons classiques et parfois obscures, transcrivant
à la main avec beaucoup d'attention le phrasé,
la prononciation et les mots immortels de Willie Nelson, Harlan
Howard et Mel Tillis. Il se lance le défi de jouer le
fameux "Bluebird Café" avant son 23ème
anniversaire, ne disposant que de deux semaines, et il y parvient.
Il forme alors un groupe et passe de bars, de pubs, de honky
tonks au Station Inn lui même. Il ne va pas voir les industries
du disques et ne se lance pas à la recherche de producteur.
Il veut prouver qu'il peut enregistrer son propre album avec
une équipe triée sur le volet du groupe de rock,
le Jamie Hartford Band, et du groupe de Bluegrass , le Del McCoury
Band. Son son, un mélange de traditionnel, de bluegrass
et de modern country attire une audience jeune. Capitol Nashville
propose alors à Dierks un contrat pour enregistrer.
La
meilleure manière de garder son indépendance dans
le milieu de la musique est de faire un hit rapidement, et c'est
ce qui est arrivé à Dierks quand il a sorti son
premier single "What Was I Thinkin'" qui s'est classé
numéro un. Deux autres hit ont suivi, suivis d'un CMT
Flameworthy Award pour la vidéo, d'une nomination aux
CMA et d'une récompense en tant que nouvel artiste au
top ACM. Derrière le succès de l'album se cache
une morale basée sur le travail acharné qui se
ressent dans ses tournées. Il adore jouer dans des salles
qui n'ont jamais accueilli de country music et dans des salles
qui ont forgé l'histoire de la country music. Il s'associe
avec Ragweed pour la tournée "High Times and Hangovers
Tour" dans 35 villes. Il enchaîne tournées
sur tournées et son chien Jake devient la mascotte de
toute l'équipe de Dierks Bentley.
Les
kilomètres se succèdent, les routes sont tellement
écumées que le second album, Modern Day Drifter,
nécessite un arrêt d'à peine dix jours,
pendant lesquels Dierks dort dans le studio. L'heure n'est pas
aux expériences. Au contraire, c'est le moment de faire
une country music simple avec la confiance et l'équipe
gagnante qui a fait le succès du premier album. Une chose
importante a changé dans son album, le compositeur et
le chant.
Alors
que Dierks et son collaborateur de longue date Brett Beavers
écrivent la plupart des morceaux, Jamie Hartford collabore
à une chanson, Alison Krauss fait les harmonies vocales,
et John Scott Sherill et Wyatt Easterling écrivent le
morceau-titre "Modern Day Drifter". Et comme avant,
le groupe Del McCoury apporte une pure dose de bluegrass vers
la fin de l'album, notamment le morceau de Del lui-même
"Good Man Like Me". Dans le morceau final, "Gonna
Get There Someday", le narrateur parle de sa solitude causée
par le départ d'une femme. C'est un cap émotionnel
dans un album qui parle aussi bien aux fans traditionnels de
country music qu'aux jeunes et nouveaux adeptes. Et Dierks a
rempli sa mission, renouveler la country music tout en restant
dans les traditions.
Karine
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